Text publié dans le catalogue de la Biennale de la jeune création de Houilles 2014
Par Aurélie Barnier Par des actions simples comme lancer un objet ou passer d’une pièce à une autre, Yukari Hara manipule l’espace et le temps en se fondant sur l’expérimentation spontanée. Ses rouleaux de papier présentés dans le cadre de ses recherches, sans statut, sur le déroulement, sont à la disposition du public, accompagnés d’une vidéo fonctionnant en tant qu’exemple d’usage et non modèle, un parmi les possibles. Il ne s’agit pas de performance pour l’artiste, qui se déclare démonstratrice, enjoignant le visiteur à occuper l’espace en poussant le papier : il faut essayer, on peut essayer. L’essai, comme l’aléatoire, sont essentiels. Le rouleau se déploie et avec lui la sensation d’un espace se découpant dans celui de l’exposition. D’où une ambiguïté fascinante : cette nouvelle surface fait partie intégrante de la salle et, dans le même temps, en constitue une zone spécifique et isolée. Yukari Hara affirme un intérêt crucial pour ce qui n’est pas fini et dont la fin n’est pas prédictible, une volonté farouche de ne pas connaître le résultat de son geste – le lancer d’un ballon pouvant demeurer accroché aux scratchs disposés au plafond ou bien redescendre, la dispersion de pigments sur une feuille puis au sol et dans l’entre-deux… – tout comme, enfant, elle ignorait tout, l’espace d’un instant, de sa chaussure de plage engloutie par les flots, puis rendue à la vue et à la normalité la seconde d’après. Chercheuse sans objectif de résultat, Yukari Hara choisit des processus poétiques ouverts et non des protocoles, fermés. Sa démarche se joue dans le devenir de ce qui est en train de disparaître, sans que l’on sache au fond, ce qui disparaît ou (ré)apparaîtra. Sur un fragment de pelouse, face à une image presqu’insaisissable, ce qui compte n’est guère une signification valant pour tous, mais l’espace et le temps, la possibilité d’y chercher quelque chose, une forme d’espérance. Aurélie Barnier |